Il y a des moments où on aimerait mieux être au bord de la piscine avec la crème solaire étalée sur tout le corps et la chopine de sangria à la main. Le pire est que ce matin, avant de démarrer nos scooters pour se lancer fièrement dans l’ascension du volcan Teide, on avait le choix ! Et on a préféré la galère à la piscine… va savoir pourquoi ?
Maintenant il faut serrer les dents, essentiellement pour éviter qu’elles ne s’entrechoquent avec le froid, et avancer. On a largement ralenti notre allure depuis que la pluie nous cingle le visage et que les rafales de vent nous déportent constamment vers les champs de lave sur les bas-côtés de la route. Le paysage magnifique de pinèdes sur ce sol volcanique que nous traversions il y a encore quelques minutes et sous le soleil n’a plus du tout la même saveur. Heureusement l’asphalte est de bonne qualité et la circulation automobile est plutôt réduite … c’est normal avec une météo pareille ! Après le panneau indiquant les 1850m d’altitude la pluie s’est transformée en neige fondue, le vent est monté d’un cran, et il nous est apparu très clairement que le pic du Teide on le vaincrait un autre jour ! On s’est alors arrêté, on a mis nos vêtements de pluie sur nos pantalons mouillés, enfilé nos sous-gants sur nos doigts gelés, on a fait machine arrière à petite vitesse et l’aventure s’est terminée sur une terrasse ensoleillée avec des boissons chaudes, et nos vêtements éparpillés derrières les vitres de ce havre de paix (et de chaleur !).
Nous n’étions alors qu’au tout début de notre périple en scooter sur Tenerife et La Gomera. Nous n’avions pas encore écumé toutes les belles routes sinueuses de ces 2 îles des Canaries, virages après virages, villages après plages, nous n’avions pas navigué à travers les gigantesques champs de lave, les étendues arides parsemées de cactus, de figuiers de barbarie, de palmiers, de dragonniers et d’agaves, visité les vestiges anciens mais toujours vivants des lointains colonisateurs, profité des habitants affables et des auberges typiques en se gavant de papas, lapins en ragout, moro et poissons divers (réserver absolument une table à la Casa Fito à Granadilla de Abona). Et quand on a chaque jour en perspective des paysages toujours changeants et en ligne de mire une halte pour la nuit en bord de mer, à flanc de montagne ou dans une rue animée d’un centre-ville, le temps ralentit et les souvenirs sont innombrables : une semaine de vadrouille se transforme en une longue aventure.
Et maintenant à quelques heures du retour vers la France, attablés sur le petit port d'El Medano, les tapas et le verre de sangria, la mer à nos pieds et le soleil au zénith ont un léger goût de spleen. C’est moche, on va bientôt devoir abandonner nos scooters, l’insouciance et la liberté. Soyons forts et ne versons pas de larme derrière nos lunettes fumées, parce que c’est promis … on reviendra très vite !