Il nous a fallut environ 1/2 heure pour comprendre la méthode de pêche et une bonne journée pour la mettre en pratique efficacement.
La journée avait pourtant bien commencée : la météo était clémente, un anglais installé près de chez nous nous avez expliqué sommairement les premiers rudiments en nous distillant toujours le même geste pour ferrer le poisson, et en arrivant sur les lieux de pêche (la rivière Kenaï à Soldotna en Alaska) un type sortait un saumon énorme quelques secondes après notre descente de voiture.
L’excitation était alors à son comble; on allait enfin pouvoir rapporter du gros et du mangeable à la maison, c’était certain, et peu importait qu’on ne fût pas des spécialistes du genre (la pêche au saumon en l’occurrence).
Certains d’entre nous avaient déjà eu la sensation particulière d’une résistance vivace au bout de la ligne mais sans pour autant avoir dû batailler ferme avant de sortir la prise : Luc et Ramy les premiers avec des perches au Québec et Willy dans le Montana et les Rocheuses avec des petites truites. Aucun de ces poissons n’étaient pour autant passés à la casserole et personnellement je n’avais rien eu à me mettre sous la dent. Mais en voyant avec quelle facilité les gars sortaient les saumons les uns après les autres, il n’y avait plus aucun doute dans nos esprits.
On a filé vers le premier magasin de pêche venu pour acheter nos permis à la journée et une grande quantité de leurres qui visiblement étaient ceux utilisés dans la région. On a ensuite couru vers une passerelle métallique installée au bord de la rivière pour faciliter les prises et, après avoir fébrilement préparé nos cannes, on a fait comme tout le monde autour de nous, le même geste, la même technique qui paraissait infaillible : on jette à droite en remontant le courant et on récupère 2 secondes et 5 mètres plus bas avec un bas de ligne composé d’un petit plomb et terminé par un gros hameçon et une plume (rouge ou jaune ou verte, ou ce qu’on veut en fait).
A droite, à gauche, devant, partout c’était la fête (foraine), excepté pour les saumons !
La plupart des pêcheurs relâchaient leur prise la jugeant peut être trop petite ou pas à leur goût, et aussi pour respecter les quotas de pêche par espèces. Et nous, rien… nada… jusqu’à ce que notre voisin immédiat en prenne un gros, l’hameçon accroché à la queue du saumon !
Ce fût l’étincelle, le flash. le saumon ne mordait pas à l’appât, il fallait tout simplement le harponner !
Certains puristes autour de nous s’obstinaient quand même avec une méthode plus traditionnelle : à ma connaissance, ils n’ont rien attrapé !
A vrai dire cette technique ne m’a pas vraiment plu et ne me plaît toujours pas, ce qui explique surement pourquoi je fus le seul à n’avoir véritablement rien pêché à part du tout petit et une bête malade et suicidaire (j’ai mis beaucoup de temps avant de trouver cette excuse !).
Mais pour que la technique soit vraiment efficace, il fallait qu’il y ait des nuées entières de saumons à remonter la rivière ! En fait c’était vrai; dans un magasin en ville où nous allions régulièrement acheter des leurres (on casse pas mal dans les rochers et les branches immergées de la Kenaï River), il y avait un tableau qui comptabilisait par estimation le nombre de saumons par espèces ayant remonté la rivière pendant la journée, le mois et depuis le début de la saison. Pour les 4 ou 5 espèces principales recensées les chiffres faisaient état de plusieurs centaines de milliers de bestioles : un paradis pour les pêcheurs.
Quant au saumon du pacifique, une fois qu’il a pris la direction de la rivière à partir de l’océan, il n’aura plus que des alternatives morbides : être pêché par un homme, un ours, un aigle et j’en passe, mourir de faim ou de maladie pendant le trajet, ou s'il est chanceux (si on veut !), mourir d’épuisement après la ponte et la fécondation des œufs, toujours à l’endroit où il est né lui-même. Durant ce parcours du combattant, le saumon va se transformer et changer de couleur passant de l’argenté au rouge. Les plus gros poissons pêchés (les Kings) avoisinent les 50 kg (un peu gros pour nos cannes !).
La première journée pour nous fût donc plutôt désastreuse sans aucune prise, alors que nos voisins jubilaient, ce qui nous mettait dans un rage folle (surtout le Napoléon pêcheur, une main dans son chandail avec un petit regard vers nous un brin moqueur et qui ferrer un saumon à intervalles réguliers). Le jour d’après par contre, Ramy a ouvert le bal avec le plus gros saumon pêché et ensuite Willy et Luc eurent leur poisson. Tous les saumons harponnés n’étaient pas ramenés sur la passerelle. Certains se détachaient après un bref combat acharné, d’autres cassaient rapidement le fil sans que le frein du moulinet puisse faire son office. Une très grosse bête a même vidé entièrement le moulinet de Luc (plus de 100 mètres de fil quand même) avant de tout arracher. Il est à parier que celui-là ira jusqu’au bout et évitera hommes, ours et aigles.
Carole a aussi tenté sa chance et n’a pu harponner, tout comme moi d’ailleurs, qu’un minuscule poisson de la taille de l’hameçon ce qui constitue en soit un véritable exploit… de précision.
Le premier saumon pêché par Ramy a fini en filets sur le barbecue et il était délicieux.